Arrêté du 24 novembre 2020 modifiant l'arrêté du 10 avril 2020 relatif aux obligations d'actions de réduction des consommations d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire – JO du 17 janvier 2021

L’immobilier logistique, qui a montré sa résilience au cours de la crise sanitaire liée à la covid-19, affiche un potentiel de croissance élevé malgré des défis énergétiques et environnementaux à relever.

L’arrêté « Valeurs absolues » paru le 17 janvier 2021 qui précise le décret tertiaire et son arrêté « Méthodes » fournit ici l’occasion de revenir sur les récentes performances d’un secteur en mutation qui se révèle être un atout de stratégies commerciales réussies sous réserve, toutefois, d’une bonne préparation technique et juridique du projet.

Mutation accélérée de l’immobilier logistique liée a l’essor du e-commerce

Naît, dit-on, de l’achat sur le Net-Market d’un CD de Sting coutant 12,48 $, le e-commerce est, depuis plus de 30 ans, un secteur en pleine expansion qui dope l’attrait de l’immobilier logistique.

En effet, l’essor du e-commerce accélère depuis plusieurs années la porosité entre l’immobilier logistique et l’immobilier commercial.

Selon l’étude publiée le 8 décembre 2020 par la Fevad (Fédération du e-commerce et de la vente à distance) et les chiffres publiés par Stratégies Logistique n°185 de novembre 2020 :

  • le e-commerce devrait atteindre 110 milliards d’euros en 2020, soit une progression de +6% sur un an, après une progression de +11,5 en 2019.
  • le marché de la logistique urbaine devrait croître de 8 % par an en Europe d’ici 2030, malgré une baisse de la demande placée au premier semestre 2020.
  • les livraisons de marchandises représentent environ 20 % du trafic ainsi que 30 % de la pollution en ville.
  • les livraisons à domicile ont explosé : un citadin sur 10 reçoit un colis par jour. 37 % ont déjà eu recours à la livraison alimentaire à domicile (proportion de plus de 60 % à Paris et à Lyon).

A mesure que les enseignes renouvellent et adaptent leurs stratégies commerciales pour tirer profit du click & collect, de la livraison directe de proximité, du ship from store[i], l’immobilier logistique séduit et ouvre la voie à de nouvelles réflexions commerciales (Quelle surface et quel type d’entrepôt dans un contexte de raréfaction foncière et de lutte contre l’artificialisation des sols ? Quel emplacement géographique pour rationaliser les coûts et les délais de livraison ? Quelles technologies : automatisation, robotisation, smart building ?).

Conception, automatisation et transition énergétique

Des entrepôts et des aires logistiques adaptées aux besoins du e-commerce

L’ampleur du stockage, le traitement des grands volumes commandes et le chargement de celles-ci dans les véhicules de transports sont spécifiques au e-commerce et ont conduit les concepteurs d’entrepôts et plateformes logistiques (EPL) à repenser les aménagements (étages, mezzanine, transports optimisés) afin de respecter les délais de livraison de plus en plus en courts, et ce pour un coût maitrisé.

Pour développer un secteur logistique compétitif, la synchronisation des flux physiques et numériques et l’accélération de la transition énergétique de la logistique s’imposent. Ces deux axes sont d’ailleurs sous-jacents de la stratégie nationale « France Logistique 2025 » initiée en  2019 par le Gouvernement afin de faire de la France un pays leader dans ce domaine, contribuant ainsi à la transition énergétique pour la croissance verte.

La conception et l’automatisation des processus sont donc logiquement le fer de lance de cette recherche de compétitivité vertueuse.

Des entrepôts XXL, à étage, robotisés et de plus en plus proches des clients

La presse spécialisée s’en fait régulièrement l’écho, nombre d’enseignes ont, depuis plusieurs années déjà, opté pour des entrepôts XXL et robotisés afin de stocker un grand nombre de marchandises et de gagner un temps précieux. Infatigables, les robots facilitent le travail des collaborateurs dans la préparation des commandes et le rangement des produits et permettent d’accélérer le processus de traitement des produits.

En parallèle, se développe également le recours aux entrepôts à étage qui ont l’avantage de répondre à deux problématiques que sont la raréfaction foncière à proximité des bassins de vie et la lutte contre l’artificialisation des sols. En outre, ce type d’entrepôt permet de séparer le stockage, l’espace de picking et le process (par exemple en segmentant le process, situé au rez-de-chaussée, et le stockage quant à lui situé au premier étage, les robots apportant les marchandises).

Depuis 2017, la réglementation autorise la construction de cellules de 12.000 m² entre deux murs coupe-feu contre 6.000 m² maximum par le passé. Avec des études d’ingénierie, il est possible d’envisager de construire des cellules plus grandes encore.

Par ailleurs, l’essor du e-commerce a conduit à rénover les schémas classiques de stockage puisqu’il faut désormais prévoir de larges couloirs sans mur coupe-feu destinés à la circulation des convoyeurs chargés du réassort et des livraisons.

Eu égard au prix des kilomètres et aux contraintes liées à la chaine du froid, de plus en plus d’enseignes font le choix d’un immobilier logistique plus proches de leurs clients et de leurs collaborateurs s’appuyant sur une chaine logistique de professionnels à différents niveaux. Ce faisant c’est toute la chaîne logistique qui gagne en compétitivité et permet une meilleure prise en compte du développement durable.

En effet, secteur en pleine mutation depuis plusieurs années, le maillage de la logistique apparaît de plus en plus étroit. Longtemps à l’écart des bassins de vie, les grands entrepôts de stockage se déplacent en périphérie urbaine, se rapprochant ainsi des bassins de vie, et entrainent avec eux l’éclatement de la « dorsale logistique » traditionnelle. L’Ile-de-France et la région de Lyon sont particulièrement recherchées. En effet, de plus en plus d’enseignes entendent relever le défi d’une livraison le lendemain voir dans les deux heures. Pour ce faire, le recours au travail de nuit ne suffit pas, l’immobilier logistique devient un atout d’une stratégie e-commerce réussie laquelle doit, en outre, s’appuyer sur une chaîne logistique solide, un transport optimisé et une succession d’opérations complexes bien huilées afin de livrer le client le plus rapidement possible tout en maîtrisant les coûts.

S’agissant des transporteurs de proximité d’un nouveau genre, pour les zones urbaines et périurbaines, la presse spécialisée n’a pas manqué de relever l’arrivée des vélos cargo de Stuart qui entend proposer, avec ses vélos électriques à remorques, des solutions de livraison écologiques et locales dédiées aux derniers kilomètres.

Automatisation et sécurité des collaborateurs

Aujourd’hui, les commandes en ligne tombent toutes les secondes dans le WMS[ii] alors qu’elles se comptaient en minutes auparavant. De ce fait, afin d’assister les équipes en place, les entrepôts et les aires logistiques s’équipent de robot de pick-and-place de plus en plus performants et infatigable ainsi que de système capable de prioriser les commandes en fonction du degré d’urgence sur la livraison.

Toutefois, l’automatisation des processus ne doit pas faire oublier qu’une partie encore importante du travail repose sur le savoir-faire d’équipes qualifiées. Ainsi même si la robotisation facilite et accélère le gestion et la manutention des marchandises, il ne peut se faire au détriment de la santé et de la sécurité des collaborateurs protégés par le Code du Travail.

Pendant la crise de la covid-19, par une décision du 14 avril 2020, le Juge n’a pas manqué de le rappeler en ordonnant à l’exploitant de procéder à l’évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de covid-19 sur l’ensemble de ses entrepôts sous une astreinte, non liquidée, de 1.000.000 euros par jour de retard et par infraction constatée (TJ Nanterre, ordonnance de référé, 14 avril 2020, n°20/00503).

Transition énergétique, décret tertiaire et arrêté « Valeurs Absolues » paru le 17 janvier 2021

Les défis environnementaux et énergétiques de l’immobilier logistique

Résilient et doté d’un fort potentiel, l’immobilier logistique bénéficie d’innovations techniques et réglementaires qui devraient encore doper son développement à l’heure où le e-commerce est devenu un standard de la consommation. Toutefois, l’engouement pour l’immobilier logistique ne doit pas masquer les défis énergétiques et environnementaux du secteur.

L’immobilier logistique est principalement constitué d’entrepôts et de plateformes de plus en plus souvent gigantesques, bétonnées et érigées sur d’anciennes terres agricoles.

Selon l’Atlas des entrepôts et des aires logistiques en France publié en 2017 à partir de données de 2015, la superficie moyenne est de 17.600 m², soit près de la superficie totale du Stade de France d’une superficie globale de 20.300 m².

Or, seul un immobilier logistique durable, responsable et innovant sera un atout dans le portefeuille des entreprises et permettra de répondre aux attentes des consommateurs et aux exigences de durabilité environnementale.

La réduction des impacts des entrepôts et des plateformes logistiques sur l’environnement est donc devenue la norme de sorte que des programmes d’immobilier logistiques dits « vertueux » sont apparus et se distinguent par leur certification :

  1. HQE (Haute Qualité Environnement) pour les bâtiments qui limitent leurs impacts sur l’environnement et qui garantissent un cadre sain et confortable à leurs utilisateurs,
  2. BREEAM (Building Research Establishment Assessment Method) lorsque la performance environnementale de la structure est évaluée,
  3. LEED (Leadership in Energy and Environmental Design) vérifiant le processus de conception, l’emplacement et la prise en compte de l’aménagement du terrain, la consommation en eau et en énergie, la provenance et le type de matériaux utilisés, l’exploitation de l’éclairage naturel, ainsi que la récupération des déchets de construction, leur réutilisation ou leur recyclage.

Le caractère vertueux de l’immobilier logistique se traduit également par l’intégration de la performance énergétique afin de tendre vers une neutralité carbone.

Les nouvelles sources d’énergie comme le photovoltaïque et l’hydrogène sont désormais régulièrement intégrés dans ces programmes verts. Le cas échéant, les surcoûts engendrés par cette transition énergétique pourront être contrebalancés par la réduction de la facture d’électricité de la structure.

Ainsi, le potentiel élevé de l’immobilier logistique devrait, espérons-le, permettre de soutenir les innovations et la transition énergétique.

Le décret tertiaire, l’arrêté « méthode » et l’arrêté « Valeurs Absolues »

En tant qu’immobilier tertiaire, le secteur de la logistique est concerné par la rénovation énergétique qui doit être menée de concert, à horizon 2030, par les propriétaires et les locataires.

L’article 175 de la loi portant Evolution du Logement, de l’Aménagement et Numérique (dite « loi ELAN ») a défini un dispositif « Eco Energie Tertiaire ».

Ce dernier est régi par le décret n°2019-882 paru le 23 juillet 2019, qui en a précisé le champ et les conditions d’application. En substance, ce « décret tertiaire » prévoit que l’ensemble des bâtiments tertiaires existants de plus de 1.000 m² devront réduire leurs consommations énergétiques de 60% d’ici 2050, selon la progression suivante : -40% en 2030 ; -50 % en 2040 et -60 % en 2050. Seuls sont exclus les constructions provisoires, les lieux de culte et les bâtiments de défense et de sécurité.

Le 10 avril 2020, un premier arrêté dit arrêté « Méthodes » a précisé la mise en œuvre du dispositif en indiquant la consommation de référence, les objectifs à terme, les conditions de modulation des objectifs (climat, usages, architecture, technique, etc.) et la mise en place de la plateforme numérique de recueil des donnés appelée OPERAT (Observatoire de la Performance Energétique, de la Rénovation et des Actions du Tertiaire) gérée par l’ADEME.

Mais il manquait encore la définition des valeurs absolues. C’est chose faite avec l’arrêté du 24 novembre 2020 modifiant l’arrêté du 10 avril 2020, paru au journal officiel le 17 janvier 2021.

Le nouvel arrêté indique les objectifs à atteindre en termes de rénovation énergétique pour les bureaux, les locaux d’enseignement et les sites logistiques.

En outre, il tient compte de la conjoncture exceptionnelle puisqu’il indique clairement, à titre de mesures particulières, qu’en raison du contexte sanitaire rencontré au cours de l’année 2020, les données de consommations énergétiques de l’année 2020 ne peuvent être considérées comme représentatives.

En annexe, il précise les composantes par typologies d’immeubles (bureaux, services publics, enseignement, logistiques) à partir des composantes de référence de l’arrêté du 10 avril 2020, à savoir :

  •  la composante de consommation énergétique relative à l'ambiance thermique générale et à la ventilation des locaux, notée CVC ;
  •  la composante de consommation énergétique relative aux usages spécifiques énergétiques propres à l'activité ainsi qu'aux autres usages immobiliers tels que la production d'eau chaude sanitaire et d'éclairage, notée USE, définie pour une intensité d'usage étalon et pour chaque catégorie d'activité.

Les tableaux relatifs à l’immobilier logistique se réfèrent, logiquement, à la composante USE.

En outre, la « densité temporelle étalon » considère que ces bâtiments fonctionnent en permanence, soit 8 760h / an.

L’arrêté fournit également diverses précisions et grilles destinées à l’établissement du « dossier technique » de suivi des performances énergétiques et à la déclaration auprès de l’OPERAT. Ce document a pour objet de préciser les modulations de contraintes identifiées par les assujettis : contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales qui concernent ces bâtiments et traduites en contraintes de rénovations énergétiques.  

Préparation juridique du dossier : repères

Pour que l’immobilier logistique soit gage du succès de stratégies commerciales performantes, il faut, bien entendu, recourir à des architectures ingénieuses, à des robots de pick-and-place infatigables aux performances anthropomorphiques, mais encore il est indispensable de préparer le dossier juridique et administratif pour procéder aux déclarations adéquates et obtenir les autorisations administratives d’exploiter une Installation Classée pour la Protection de l'Environnement (ICPE) afin de pouvoir réaliser le projet dans des délais compétitifs.

Les entrepôts sont soumis à des dispositions réglementaires spécifiques destinées à définir un niveau de sécurité satisfaisant tant pour le personnel que pour l’environnement. En matière de sécurité du personnel, les entrepôts sont, sauf exception, soumis aux prescriptions en matière d’hygiène, de santé et de sécurité au travail du Code du travail. En matière de protection de l’environnement, les entrepôts sont, dans la mesure où ils satisfont certains critères, visés par une réglementation spécifique : la réglementation ICPE.

Outre les délais d’obtention des autorisations administratives, il faut également tenir compte des risques de recours contentieux susceptibles de freiner la réalisation du projet. Il est donc essentiel de veiller à ce que l’installation ne présente pas d’inconvénient majeur tant pour l’environnement que pour le voisinage. Dans le même sens, si l’investisseur choisit d’acquérir un entrepôt déjà exploité, la réalisation d’un audit environnemental portant sur les aspects juridiques, environnementaux et techniques est recommandé.

S’agissant de l’acquisition et de l’occupation proprement dite d’un entrepôt, divers schémas peuvent être envisagés en fonction de la structure juridique et fiscale retenue par les parties prenantes tant au niveau des acteurs (détention en direct, constitution d’une filiale opérationnelle distincte du propriétaire des murs (Prop co / Op co), groupe de sociétés, recours à des investisseurs) qu’au niveau de la contractualisation de l’occupation (occupation directe, bail en l’état futur d’achèvement, bail commercial sur des entrepôts existants, etc.). Autant de schémas juridiques à réfléchir et à concevoir pour atteindre les objectifs poursuivis.

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[i] Le ship-from-store est un mode livraison par lequel un distributeur disposant d'une offre e-commerce et d'un réseau de points de vente physique livre ses clients à partir de ses magasins et non à partir d'une plateforme d'entreposage.

[ii] WMS, ou warehouse management system, désigne une catégorie de progiciels destinés à gérer les opérations d'un entrepôt de stockage. L'objet premier du WMS n'est pas de prendre les commandes mais de les prendre en compte et d'en optimiser la préparation

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