Le cadre juridique relatif à l’obligation de réduction progressive de la consommation d’énergie dans les bâtiments à usage tertiaire - cadre que l’on a rapidement pris l’habitude de désigner par le syntagme « décret tertiaire » par référence au décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d'actions de réduction de la consommation d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire – a été récemment recodifié et partiellement réécrit par le décret n° 2021-872 du 30 juin 2021, puis par la loi n°2021-1104 du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (loi dite « Climat Résilience »). Plus récemment encore, les modalités du dispositif, précisées par l’arrêté du 10 avril 2020 relatif aux obligations d'actions de réduction des consommations d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire, ont également été partiellement réécrites par arrêté du 29 septembre 2021.
Le cadre semble désormais stabilisé dans ses principes. C’est l'occasion de revenir sur cette « nouvelle version » du dispositif de suivi de l'efficacité énergétique et environnementale des bâtiments tertiaires et de s’interroger sur la portée des obligations en résultant pour les propriétaires et le cas échéant les preneurs.
Par Déborah Boussemart, avocate en droit de l’immobilier
[Paru le 13 décembre 2021 sur le Site Village de la justice : Voir l'article]
Réduire progressivement la consommation d’énergie dans les bâtiments à usage tertiaire afin de lutter contre le changement climatique n’est plus seulement un sujet de société, c’est désormais une obligation pour les acteurs du tertiaire qu’ils soient propriétaires ou preneurs à bail. Les objectifs sont ambitieux. Les obligations sont réelles quoique les sanctions représentent davantage un risque pour la réputation des intéressés qu’un risque financier. Cependant, les plans d’actions sont laissés à la discrétion des propriétaires et, le cas échéant, des preneurs. Les actions attendues ont vocation à dépasser la simple rénovation énergétique des bâtiments et à intégrer le comportement des usagers, la qualité et l’exploitation des équipements.
Pour mémoire, la loi ELAN (Évolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique) a introduit dans le Code de la construction et de l’habitation une obligation de réduire la consommation énergétique des bâtiments tertiaires. Le décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d'actions de réduction de la consommation d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire était venu en encadrer les conditions d’application. À peine promulgué, ce décret, suivi d’un arrêté « Seuils » et d’un arrêté « Valeur absolu », faisait figure de « casse-tête » pour les acteurs de l’immobilier tertiaire. Avec entrain, ils commençaient à appréhender ce nouveau régime et ses effets en termes d’obligations et de responsabilité, tout en dressant l’inventaire de leurs bâtiments tertiaires existant à la date de publication de la loi ELAN soit le 24 novembre 2018, et d’une surface de plancher supérieure ou égale à 1 000 m².
Qu’à cela ne tienne, c’était sans compter sur le travail de recodification et de réécriture partielle du Code de la construction et de l’habitation, notamment par le décret n° 2021-872 du 30 juin 2021, puis par la loi n°2021-1104 du 22 août 2021, « Climat Résilience », ni sur la réécriture partielle, par arrêté du 29 septembre 2021, de l’arrêté du 10 avril 2020 relatif aux obligations d'actions de réduction des consommations d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire.
Cette actualité récente nous donne l’occasion de revenir sur cet impératif de société : la sobriété énergétique.
Nous synthétiserons, dans la présente étude, le décret tertiaire « nouvelle version » en dix points :
les textes applicables ;
- l’obligation de réduction de la consommation d’énergie ;
- les actions à déployer pour tendre à la sobriété énergétique ;
- les objectifs ambitieux ;
- les modulations et des déductions toutefois possibles ;
- les assujettis ;
- l’avènement d’une nouvelle annexe obligatoire au bail (comme en cas de vente) ;
- un large champ d’application
- les obligations déclaratives sur la plateforme dédiée, baptisée OPERAT et gérée par l’ADEME ;
- les sanctions encourues à savoir le « Name & Shame » à la française et les amendes administratives.
1. Les textes applicables
Les actions de réduction de la consommation d'énergie finale à mettre en œuvre dans les bâtiments tertiaires et l'obligation de réduire cette consommation d'au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à 2010 sont régies et définies par les articles L 174-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation.
Le champ d’application et les modalités de mise en œuvre de ces actions et obligations sont, à date, encadrés par les articles R 174-22 et suivants du même Code ainsi que notamment par l’arrêté du 10 avril 2020 relatif aux obligations d'actions de réduction des consommations d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire (NOR : LOGL2005904A, mod. arrêté 24 novembre 2020, NOR : LOGL2025882A et mod. par arrêté du 29 septembre 2021, NOR : LOGL2114084A - Version de l’arrêté avec image pour le système de notation « Éco Énergie Tertiaire » : ici).
Enfin, les sanctions sont régies par l’article R 185-2 du Code précité.
2. Obligation de réduction de la consommation d’énergie
Désormais, des actions de réduction de la consommation d'énergie finale doivent être mises en œuvre dans les bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments existants à usage tertiaire (tout ce qui n’est pas agricole ni industriel), afin de parvenir à une réduction de la consommation d'énergie finale pour l'ensemble des bâtiments soumis à l'obligation d'au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à 2010.
Ici, réside une différence substantielle avec la précédente mouture du dispositif. En effet, avant la loi du 22 août 2021, en vigueur à compter du 25 août 2021, seuls étaient visés les bâtiments existants à la date de publication de la loi ELAN, soit comme rappelé en introduction, le 24 novembre 2018.
La modification n’est pas anodine. En effet, dorénavant, et jusqu’en 2050 (compte tenu de l’obsolescence programmée du dispositif), tout bâtiment tertiaire à construire ou en cours de construction sera, à son achèvement, un bâtiment existant entrant dans le champ d’application de cette obligation.
3. Actions à déployer pour tendre à la sobriété énergétique
Se conformer à cette obligation implique pour les assujettis de définir un plan d’actions, étant précisé que ces actions ne doivent pas conduire ni à une augmentation du recours aux énergies non renouvelables, ni à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre.
Ces actions ne portent pas seulement sur la recherche de performance énergétique des bâtiments. Elles portent également sur l'installation d'équipements performants et de dispositifs de contrôle et de gestion active de ces équipements et sur les modalités d'exploitation des équipements. En outre, le comportement de l’utilisateur est pris en compte ainsi que l’adaptation des locaux à un usage économe en énergie.
Par ailleurs, il convient de signaler que les systèmes d'automatisation et de contrôle du bâtiment deviennent de rigueur. En effet les bâtiments à usage tertiaire, neufs ou existants, doivent être équipés, lorsque cela est techniquement et économiquement réalisable, de systèmes d'automatisation et de contrôle du bâtiment. Un décret doit définir les catégories de bâtiments soumis à cette obligation, les délais et les conditions d'installation et d'entretien de ces systèmes.
4. Objectifs ambitieux
4.1. Objectifs
Tout bâtiment, partie de bâtiment ou ensemble de bâtiments soumis à l'obligation doit atteindre, pour chacune des années 2030, 2040 et 2050, les objectifs suivants :
- soit un niveau de consommation d'énergie finale réduit, respectivement, de 40 %, 50 % et 60 % par rapport à une consommation énergétique de référence qui ne peut être antérieure à 2010 ;
- soit un niveau de consommation d'énergie finale fixé en valeur absolue, en fonction de la consommation énergétique des bâtiments nouveaux de leur catégorie.
4.2. Consommation énergétique de référence
Pour la détermination des objectifs de réduction de la consommation énergétique finale, la consommation énergétique de référence correspond à la consommation d'énergie finale du bâtiment, de la partie de bâtiment ou de l'ensemble de bâtiments à usage tertiaire, constatée pour une année pleine d'exploitation et ajustée en fonction des variations climatiques selon une méthode définie par arrêté pris par les ministres chargés de la construction, de l'énergie et des outre-mer.
Le niveau de consommation d'énergie finale d'un bâtiment, d'une partie de bâtiment ou d'un ensemble de bâtiments, fixé en valeur absolue en fonction de la consommation énergétique des bâtiments nouveaux de la même catégorie est déterminé par un arrêté des ministres chargés de la construction, de l'énergie et des outre-mer, pour chaque échéance de 2030, 2040 et 2050, sur la base d'indicateurs d'intensité d'usage de référence spécifiques pour chaque catégorie d'activité ajustés en fonction des conditions climatiques de référence.
5. Modulations et déductions possibles
À l’évidence, la mise en œuvre des actions idoines pour parvenir aux objectifs particulièrement ambitieux du dispositif de suivi de l'efficacité énergétique et environnementale des bâtiments tertiaires peut représenter un coût important pour les assujettis. De plus, elle peut se confronter à des obstacles techniques et matériels ou encore faire courir un risque structurel ou esthétique à l’existant.
Le législateur en a tenu compte et a prévu des hypothèses cas de modulations ainsi que des déductions particulières. Toutefois pour bénéficier de ces modulations un dossier technique et une étude énergétique doivent être établis sous la responsabilité du propriétaire et, le cas échéant, du preneur à bail.
5.1. Modulations possibles
Des modulations peuvent être acceptées lorsque :
- les coûts des actions apparaissent manifestement disproportionnés par rapport aux avantages attendus en termes de consommation d'énergie finale (dans ce cas, il faut produire une « argumentation technique et financière ». Pour ce motif de modulation, un arrêté détermine les durées de retour sur investissement au-delà desquelles les coûts de ces actions (par nature d’action envisagée), déduction faite des aides financières perçues, sont disproportionnés ;
- il existe des contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales relatives aux bâtiments concernés ;
- il y a eu un changement de l'activité exercée dans ces bâtiments ou du volume de cette activité.
En outre, les textes précisent que la modulation des objectifs de réduction de consommation d'énergie finale peut être mise en œuvre lorsque certaines actions susceptibles de contribuer à l'atteinte de l'objectif :
- font courir un risque de pathologie du bâti, affectant notamment les structures ou le clos couvert du bâtiment ;
- entraînent des modifications importantes de l'état des parties extérieures ou des éléments d'architecture et de décoration de la construction, en contradiction avec les règles et prescriptions prévues pour :
- les monuments historiques classés ou inscrits, les sites patrimoniaux remarquables ou les abords des monuments historiques ;
- les sites inscrits ou classés au sens du Code de l'environnement ;
- les constructions encadrées par des dispositions d’urbanisme relatives à l'aspect extérieur des constructions et les conditions d'alignement sur la voirie et de distance minimale par rapport à la limite séparative et l'aménagement de leurs abords ;
- le bâtiment, immeuble ou ensemble architectural ayant reçu le label mentionné à l'article L 650-1 du Code du patrimoine ;
- ne sont pas conformes à toutes autres servitudes relatives notamment au droit des sols, au droit de propriété, à la sécurité des biens et des personnes ou à l'aspect des façades et à leur implantation.
Sauf si elle ne porte que sur le volume de l'activité exercée, la modulation des objectifs de réduction de consommation d'énergie finale fait l'objet d'un dossier technique établi sous la responsabilité du propriétaire et, le cas échéant, du preneur à bail. Ce dossier doit être accompagné des justifications des modulations sollicitées (un arrêté précise le contenu de ce dossier et les modalités de son établissement).
Ce dossier technique doit comprendre une étude énergétique portant sur les actions visant à réduire les consommations des équipements liés aux usages spécifiques du bâtiment. Cette étude énergétique comprend :
- l’identification des équipements et procédés exploités dans les locaux à usage tertiaire, les éléments qualifiant leur consommation énergétique (à savoir leur niveau d’efficacité énergétique et leur modalité d’utilisation), ainsi que la source d’énergie qu’ils utilisent ;
- l’évaluation de leur impact respectif sur la consommation d’énergie finale de chaque entité fonctionnelle tertiaire concernée ;
- l’évaluation des sources de gain énergétique potentiel et de réduction des émissions de GES correspondante, d’une part, au niveau du mode d’utilisation de ces équipements, d’autre part, au niveau de leur renouvellement.
5.2. Déductions acceptées
Afin d’obtenir un suivi au plus proche de la consommation d’énergie réelle du bâtiment tertiaire cible, le législateur a envisagé deux hypothèses de déduction.
1ère hypothèse : lorsque la « chaleur fatale » (chaleur générée par le bâtiment tertiaire ou tout bâtiment présent sur le même site) est autoconsommée par les bâtiments tertiaires, cette chaleur peut être déduite de la consommation, contribuant ainsi à atteindre les objectifs.
2nde hypothèse : en présence de véhicules électriques et hybrides rechargeables dans le bâtiment tertiaire, la consommation d'énergie liée à la recharge est déduite de la consommation énergétique du bâtiment et n'entre pas dans la consommation de référence.
6. Assujettis
Le propriétaire et les preneurs à bail – chacun pour ce qui lui incombe aux termes du bail - doivent agir de concert pour atteindre les objectifs de consommation d’énergie ci-dessus (§2 Supra).
En effet, le législateur a fixé les objectifs à atteindre et laissé toute sa place à la liberté contractuelle en ce qui concerne la répartition des obligations entre les propriétaires-bailleurs et les locataires-utilisateurs, dans la limite, le cas échéant, de ce qu’autorise l’ordre public des baux commerciaux (CCH, art. L 174-1, II).
7. Avènement d’une nouvelle annexe obligatoire au bail
L'évaluation du respect de l'obligation est annexée, à titre d'information, en cas de location, au contrat de bail comme en cas de vente (Préc. CCH, art. L 174-1, II). Cette évaluation doit être réalisée sur la base de la dernière attestation numérique annuelle générée par la plateforme, complétée par le système de notation « Éco Énergie Tertiaire ».
Ce système complète l’attestation numérique annuelle et permet aux propriétaires, et le cas échéant, aux preneurs à bail, d’évaluer l’avancée de leurs actions de réduction des consommations d’énergie finale, au regard des résultats obtenus par rapport aux objectifs attendus.
Dans ce système, l’état de l’avancée de la performance se concrétise par l’attribution de « feuilles » :
- Feuille grise : le niveau de consommation énergétique annuelle est en augmentation sans qu'il n'y ait eu de justification (la situation sera, le cas échéant, à rapprocher de l’hypothèse de modulation en fonction du volume d'activité) ;
- Feuille orange : le niveau de consommation énergétique annuelle est situé en dessous du niveau de la consommation énergétique de référence mais au-dessus du fuseau enveloppe (+ 10 %-10 %) de la droite de tendance (voir courbe ci-dessous) ;
- Une Feuille verte : le niveau de consommation énergétique annuelle est situé dans le fuseau enveloppe (+ 10 %-10 %) de la droite de tendance ;
- Deux Feuilles vertes : le niveau de consommation énergétique annuelle est situé en dessous du fuseau enveloppe (+ 10 %-10 %) de la droite de tendance ;
- Trois Feuilles vertes : le niveau de consommation énergétique annuelle est situé en dessous de l'objectif exprimé en consommation de valeur absolue (dite Cabs), le cas échéant modulé.
(Arrêté 10 avril 2020, modifié)
En pratique, si l’adjonction d’une nouvelle annexe obligatoire attestant de l’évaluation du respect de l’obligation au contrat de bail est expressément prévue par les textes (Préc. CCH, art. L174-1, II), son adjonction par voie d’avenant aux baux en cours doit également être envisagée par les intéressés.
En effet, les assujettis, déjà engagés dans un bail courant jusqu’au 31 décembre 2031, voire au-delà, vérifieront avec attention la répartition des charges d’entretien et de mises aux normes prévues par le bail, tout en s’interrogeant sur l’élaboration d’un éventuel plan d’actions à mettre en place à l’aune des hypothèses de modulations et de déductions permises. Puis, en fonction de cette analyse, les parties se rapprocheront pour convenir d’un avenant visant à intégrer ce plan d’actions, la gestion de la collecte des données et de la répartition des obligations déclaratives sur la plateforme numérique dédiée, dite OPERAT, gérée par l’ADEME. Comme nous l’évoquerons plus amplement ci-dessous, le preneur pourra également envisager de donner mandat au bailleur pour assurer la collecte des données et leur déclaration sur la plateforme. En fonction de l’ampleur du travail de collecte et de déclaration sur OPERAT, la délégation à un prestataire spécialisé pourra également être utilement envisagée. Diverses entreprises ont déjà commencé à s’approprier ce dispositif et proposer des solutions adaptées en fonction de l’envergure du parc confié et de la typologie des actifs en cause.
Toutefois, cette analyse devra, selon nous, prendre en compte l’échéance du bail en cours (notamment s’il s’agit de baux dérogatoires). En effet, comme nous le verrons ci-après, si les données relatives à l'année 2020 sont transmises au plus tard le 30 septembre 2022 puis chaque année à partir de 2022 au plus tard le 30 septembre, la première vérification par l’ADEME de l’atteinte des objectifs est, en l’état actuel des textes, actuellement fixée au 31 décembre 2031.
Par ailleurs, la négociation du plan d’actions, la budgétisation de ces actions et le choix stratégique du curseur de référence pourraient nécessiter la réalisation, à l’initiative du propriétaire-bailleur, d’un diagnostic de l’état de la performance énergétique du bâtiment au regard de l’activité et de l’usage fait par le ou les utilisateur(s) du bâtiment. Selon nous, ce diagnostic devrait être réalisé préalablement à la négociation du plan d’actions. Cependant, d’aucuns soutiendront que ce diagnostic devra être fait dans un second temps après répartition in abstracto des travaux et mises aux normes entre le bailleur et le preneur. Le débat reste ouvert et se tranchera vraisemblablement, avec pragmatisme, au cas par cas.
8. Un large champ d’application
8.1 Bâtiments concernés
Le champ d’application du régime est volontairement large puisqu’entrent dans ce champ les bâtiments hébergeant des activités marchandes ou des activités non marchandes et sont assujettis à ces obligations les propriétaires et, le cas échéant, les preneurs à bail de :
- tout bâtiment hébergeant exclusivement des activités tertiaires sur une surface de plancher supérieure ou égale à 1 000 m² (étant précisé que la surface plancher (au sens de l’article R 111-22 du Code de l’urbanisme) des activités non tertiaires accessoires est prise en compte) ;
- toutes parties d'un bâtiment à usage mixte qui hébergent des activités tertiaires sur une surface de plancher cumulée supérieure ou égale à 1 000 m² ;
- tout ensemble de bâtiments situés sur une même unité foncière ou sur un même site dès lors que ces bâtiments hébergent des activités tertiaires sur une surface de plancher cumulée supérieure ou égale à 1 000 m².
Il est également large dans la mesure où en cas de cessation d’activité, l’obligation informationnelle se prolonge. Ainsi, lorsque des activités tertiaires initialement hébergées dans un bâtiment, une partie de bâtiment ou un ensemble de bâtiments soumis à l'obligation cessent, les propriétaires et, le cas échéant, les preneurs à bail qui continuent à y exercer des activités tertiaires restent soumis à l'obligation même si les surfaces cumulées hébergeant des activités tertiaires deviennent inférieures à 1 000 m², de même en cas de cessation complète. En effet, dans le cas où une activité tertiaire au sein du bâtiment, de la partie de bâtiment ou de l'ensemble de bâtiments soumis à l'obligation cesse, la consommation de référence est conservée sur la plateforme numérique jusqu'à la reprise éventuelle d'une activité tertiaire.
Ce champ d’application à « double-détente » appelle les observations suivantes. Les preneurs à bail sont, le cas échéant, assujettis au dispositif. Or, sauf à ce que l’assiette de la superficie qu’ils louent soit égale ou supérieure 1 000 m², seuls les bailleurs sont en mesure de savoir si les locaux loués relèvent, ou non, d’un bâtiment tertiaire entrant dans le champ d’application des articles L 174-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation. Cette asymétrie d’information implique, en première analyse, qu’il incombe aux bailleurs d’impulser les négociations relatives aux plans d’actions, à la collecte des données et leur saisie sur la plateforme OPERAT.
8.2 Exclusions
Pragmatique, le législateur a entendu écarter :
- les constructions ayant donné lieu à un permis de construire à titre précaire ;
- les bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments destinés au culte ; ainsi que
- les bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments dans lesquels est exercée une activité opérationnelle à des fins de défense, de sécurité civile ou de sûreté intérieure du territoire.
9. Obligations déclaratives sur la plateforme dédiée, baptisée OPERAT
Habilement, le législateur a fixé le cadre mais n’a pas voulu s’immiscer dans les relations contractuelles entre les bailleurs et les propriétaires. Les assujettis doivent, donc, collaborer pour définir ensemble les actions destinées à respecter cette obligation et mettre en œuvre les moyens correspondants, chacun en ce qui les concerne au regard des stipulations du bail.
Sauf convention contraire que nous verrons ci-après, chaque partie assure annuellement la transmission des consommations d'énergie des bâtiments ou parties de bâtiments la concernant pour assurer le suivi du respect de son obligation.
En pratique, ces obligations imposent la transmission de données relatives non seulement à la consommation énergétique du bâtiment mais également aux travaux et comportements vertueux mis en œuvre ou envisagés. Ces données doivent être renseignées sur la plateforme OPERAT (sigle désignant l’Observatoire de la Performance Energétique de la Rénovation et des Actions du Tertiaire). Le texte prévoit que cette plateforme est mise en place par l'État ou par un opérateur désigné par arrêté des ministres chargés de la construction et de l'énergie. Dans les faits, en appui du dispositif Éco-Énergie Tertiaire, il a été décidé que l’Agence de la transition écologique, plus connue sous son acronyme ADEME, serait responsable de cet outil réglementaire de suivi.
Le dispositif Éco-Énergie tertiaire est, peut-on lire sur le site de l’ADEME :
« une obligation réglementaire engageant les acteurs du tertiaire vers la sobriété énergétique. Issu du décret tertiaire, il impose une réduction progressive de la consommation d’énergie dans les bâtiments à usage tertiaire afin de lutter contre le changement climatique. Pour y parvenir, les actions déployées vont au-delà de la rénovation énergétique des bâtiments. Elles concernent aussi la qualité et l’exploitation des équipements, le comportement des usagers, etc ».
En termes de calendrier, et en l’état actuel des textes, cette transmission doit être réalisée chaque année à partir de 2021 au plus tard le 30 septembre. Toutefois, en raison du contexte sanitaire rencontré au cours de l'année 2020, les données de consommations énergétiques de l'année 2020 ne peuvent naturellement être considérées comme représentatives. Le législateur en a tenu compte et a ainsi introduit des mesures particulières pour les consommations d’énergie de l’année 2020 (arrêté du 10 avril 2020, art. 16, créé par arrêté du 24 novembre 2020, art.1).
Les données relatives à l'année 2020 doivent néanmoins être transmises au plus tard le 30 septembre 2022. Puis, chaque année à partir de 2022 seront transmises, au plus tard le 30 septembre, les données relatives à l'année précédente (comme précisé par l’arrêté du 29 septembre 2021 modifiant l’arrêté du 10 avril 2020). Enfin, la première vérification par l’ADEME de l’atteinte des objectifs est actuellement fixée au 31 décembre 2031 (CCH, art. R 174-31).
9.1. Informations communiquées
Les assujettis (à savoir le propriétaire, et le cas échéant, le preneur à bail) sont tenus de déclarer sur la plateforme :
- la ou les activités tertiaires qui y sont exercées ;
- la surface des bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments soumis à l'obligation ;
- les consommations annuelles d'énergie par type d'énergie, des bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments ;
- le cas échéant, l'année de référence et les consommations de référence associées, par type d'énergie, avec les justificatifs correspondants ;
- le cas échéant, le renseignement des indicateurs d'intensité d'usage relatifs aux activités hébergées, permettant de déterminer l'objectif de consommation d'énergie finale et, éventuellement, de le moduler ;
- le cas échéant, les modulations (à noter que la modulation qui porte sur le volume de l'activité sera effectuée automatiquement par la plateforme numérique sur la base des indicateurs d'intensité d'usage spécifiques aux activités concernées) ;
- le cas échéant, la comptabilisation des consommations d'énergie finale liées à la recharge des véhicules électriques ou hybrides rechargeables.
9.2. Déclarant
Sauf convention contraire (délégation ou mandat), la déclaration annuelle des consommations d'énergie sur la plateforme numérique est réalisée par le propriétaire ou par le preneur à bail, selon leur responsabilité respective en fonction des dispositions contractuelles régissant leurs relations, et dans le cadre des dispositions relatives aux droits d'accès sur la plateforme numérique.
9.3. Délégation ou mandat
Devant la complexité et la charge potentielle de travail que ce suivi et la saisie représentent, la déclaration annuelle peut-être déléguée à un prestataire ou, sous réserve de leur capacité technique, aux gestionnaires de réseau de distribution d’énergie.
Même si, en principe, il en la charge au regard des dispositions du bail, le preneur a la faculté de déléguer cette transmission de données au bailleur.
D’ores et déjà, les praticiens ont vu émerger des clauses diverses de mandat donné par les preneurs aux bailleurs. De part et d’autre une attention particulière doit être apportée à l’étendue du mandat, ses aspects financiers ainsi qu’aux éventuels transferts de responsabilité, y compris en termes de communication RSE. En effet, l’assujetti peut être éventuellement intéressé de communiquer sur ses performances et ainsi de privilégier un « Name & Congrats » par opposition à la sanction textuelle du « Name & Shame » à la française que nous verrons plus loin. Comme pour l’élaboration d’un avenant, nous considérons que les intéressés et leurs conseils devront s’interroger sur la nécessité, ou non, de faire réaliser un diagnostic préalable de l’état de performance du bâtiment tertiaire au regard de l’usage réel ou attendu par l’utilisateur.
9.4. Communication mutuelle
Les propriétaires et les preneurs à bail doivent, quoiqu’il en soit, se communiquer mutuellement les consommations annuelles énergétiques réelles de l'ensemble des équipements et des systèmes dont ils assurent respectivement l'exploitation.
En cas de cessation d'activité, l'assujetti déclare sur la plateforme numérique les données de consommations d'énergie de l'année en cours jusqu'à la date de la cessation de son activité ainsi que la date effective de la cessation d'activité. Si les données de consommation transmises couvrent une période de douze mois consécutifs, la plateforme numérique établit l'attestation numérique annuelle.
Dans le cas contraire, les données de consommation partielles sont jointes, à titre d'information, à la dernière attestation numérique annuelle établie.
10. Sanctions encourues : un « Name & Shame » à la française et des amendes administratives
Les sanctions sont régies par l’article R 185-2 du Code de la construction et de l’habitation, dans sa partie consacrée au Contrôle et aux sanctions des règles en matière énergétique.
10.1. Nommer et couvrir de honte, une sanction empruntée à la pratique anglo-saxonne du « Name & Shame »
En l’absence non justifiée de transmission des données sur la plateforme numérique, le préfet compétent au regard de la localisation du bâtiment est habilité à mettre en demeure le propriétaire, et le cas échéant, le preneur à bail, de respecter ces obligations dans un délai de trois mois. Par cette mise en demeure, le préfet informe également l’assujetti défaillant, qu’en l'absence de transmission de ces informations dans ce délai, il sera procédé à la publication, sur un site internet des services de l'Etat, du document retraçant les mises en demeure restées sans effet. Le ton est donné. L’assujetti défaillant ou récalcitrant verra sa réputation jetée à l’opprobre sur un pilori dématérialisé consultable par tout internaute. La sanction est inspirée de la pratique anglo-saxonne du « Name and Shame » (nommer et couvrir de honte).
10.2. Sanctions du non-respect des objectifs fixés / dépôt d’un programme d’actions
Le préfet est également habilité à mettre en demeure les assujettis d'établir un programme d'actions respectant leurs obligations et de s'engager à le respecter. Là encore, on observera que le législateur a entendu impulser une collaboration des bailleurs et preneurs. En effet, non seulement le programme d'actions doit être établi conjointement par le propriétaire et par les preneurs à bail, mais encore, il doit mentionner les actions dont chacune des parties est responsable, en sus d’un échéancier prévisionnel de réalisation et un plan de financement. En tout état de cause, ce programme devra être soumis au préfet pour approbation.
Les assujettis ont un délai de six mois à compter de la première mise en demeure, et un délai de trois mois à compter de la seconde. À défaut de transmission du programme d'actions auprès du préfet dans le délai imparti, le schéma de sanction est le suivant : il est là encore prévu une publication sur un site internet des services de l'Etat du document retraçant les mises en demeure restées sans effet, et en l’absence, non justifiée, de dépôt d'un programme d'actions à la suite de la seconde mise en demeure, le préfet est habilité à prononcer une amende administrative au plus égale à 1 500 euros pour les personnes physiques et à 7 500 euros pour les personnes morales.
10.3. Sanctions du non-respect du programme d’actions approuvé par le préfet
Si le propriétaire et le cas échéant, le preneur à bail ne se conforment pas au programme d’actions tel qu’approuvé par le préfet, ce dernier est habilité à engager une procédure contradictoire à l’issue de laquelle un constat de carence peut être établi.
Sur le même schéma du « Name & Shame », la publication de cette carence, prononcée par arrêté motivé du préfet, est faite sur un site internet des services de l’État. Dans cette hypothèse également, est encourue une amende administrative, proportionnée à la gravité des manquements constatés, au plus égale à 1 500 euros pour les personnes physiques et à 7 500 euros pour les personnes morales.
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En conclusion, comme l’annexe environnementale en son temps, l’élaboration des plans d’actions, leur budgétisation ainsi que la négociation de la répartition des obligations et des retours sur investissements feront l’objet d’âpres négociations dans les premiers temps avant de devenir, vraisemblablement, une annexe standardisée dans les grandes lignes. Enfin s’agissant des baux en cours venant à une échéance prochaine comme s’agissant des baux de courte durée, ces réflexions vertes devront être menées à la lumière du calendrier de l’ADEME dont la première vérification de l’atteinte des objectifs est fixée, en l’état actuel des textes, au 31 décembre 2031.
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